Claude ALLEGRE , ex ministre et chercheur scientifique dans son dictionnaire de la science, fait l’apologie de l’observation. Je suis sur qu’il ne me tiendra pas rigueur d’avoir usé de sa formulation pour rappeler à notre profession et notamment aux jeunes experts qui oeuvrent dans le judiciaire, dans la responsabilité civile professionnelle et la protection juridique combien l’observation de ce qui est signifiant est indispensable à la réalisation de l’expertise. —- L’observation est la base, le fondement de toutes les sciences et notamment de l’expertise en automobiles. Observer n’est en rien une attitude passive, comme on le croit trop souvent . Observer, ce n’est pas non plus décrire exhaustivement et en vrac ce que l’on a sous les yeux avec tous les détails, toutes les précisions, les couleurs, les formes les structures. Observer c’est extraire de ce que l’on voit ce qui est signifiant. Il n’y a pas d’observation, au sens scientifique du terme tout au moins, sans un support théorique, sans un schéma intellectuelde référence. Einstein disait: “ c’est la théorie qui nous dit ce qu’il faut observer”. On ne doit pas en déduire pour autant que l’observation a pour seule fonction de confirmer les idées théoriques présupposées. Si l’observation n’était que cela, elle serait stérile ! or c’est elle qui est la source du progrès. Lorsque Galilée tourna pour la première fois la lunette qu’il venait de construire vers le ciel, il avait un schéma théorique de référence dans l’esprit. Il croyait, suivant les idées de son temps, que le ciel était une voûte sur laquelle étaient fixées quelques étoiles, que la lune était un astre entièrement lisse et que jupiter était une planète isolée de l’univers. Or il découvre des milliers d’étoiles avec des brillances variables qui, immédiatement , donnent au ciel une profondeur. Il s’agit bel et bien de découvertes, car le schéma théorique initial s’en est trouvé totalement modifié. Pour en rester à GALILEE : ayant observé que le gland tombait plus vite que la feuille de chêne, ARISTOTE en avait conclu que la chute des corps dépendait de la masse. C’est avec cette idée de base que Galilée entreprit ses propres observations. Ce qui lui permit d’identifier la cause de l’erreur d’Aristote et d’établir que dans le vide, tous les corps tombent à la même vitesse, quelle que soit leur masse. On cite souvent l’expérimentation comme l’une des méthodes fondamentales de la science. L’expérimentation n’est rien d’autre qu’une observation organisée et encadrée. La phase d’observation est essentielle. Si on ne sait rien observer, on passe à coté des résultats. Savoir observer, c’est remarquer un détail important, signifiant; c’est aussi, c’est surtout faire le lien avec une réflexion théorique pour la conforter ou l’infirmer. Lorsqu’on montre aux jeunes experts comment observer, c’est ce mécanisme intellectuel d’identification des faits signifiants qu’il faut leur apprendre. Malheureusement , depuis une vingtaine d’années, dans un mouvement d’intellectualisation assez stérile et pour tout dire stupide, on a peu à peu supprimé à l’école, au collège et au lycée l’apprentissage de l’observation. Dans le temps, les enfants vivaient en majorité à la campagne et l’observation était pour eux un exercice familier, sur les plantes , les animaux, les rivières , le ciel etc.. Aujourd’hui 80% des enfants sont citadins, et rien ne leur est moins familier que l’observation de la nature. La démarche scientifique consiste à observer puis à théoriser, l’expérimentation étant la combinaison des deux. Réhabiliter l’observation dans l’enseignement est donc indispensable, si l’on veut préserver le sens de l’expertise. Que devient l’expert qui ne sait observer les incidents techniques qui lui sont soumis. Peut on réussir dans l’expertise sans être observateur ?? Ce travail est évidemment ingrat et fastidieux, il requiert compétence, soin et abnégation mais c’est la seule voie qui puisse conduire à une expertise acceptable.